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Le ballet de l'Opéra de Paris au 19ème siècle
20 juin 2015

Encadré par deux jeunes filles à peu près jolies

Charles de Vaudreuil à son père Emilien

 

 

a aaa blog jeunes filles

 

 

Paris, le 12 novembre 1867 

 

Mon cher Père,

J’ai lu avec intérêt et amusement votre récit de notre vénérable institution chargée de faire jaillir les bravos et de commander l’admiration du public. Nos danseurs et chanteurs seraient-ils encouragés par la machine de M. Gautier autant que par des applaudissements en bonne et due forme ? Je ne le pense pas et cela nous priverait de pittoresques chefs claqueurs, comme votre Auguste qui semble avoir été un grand personnage à l’Opéra.

Mercredi soir j’avais été prié à dîner par Madame Feugerolles. Je m’y suis poliment rendu et ne me suis point trop amusé. Encadré par deux jeunes filles à peu près jolies, je tentai d’échanger avec elles des propos absolument corrects et n’obtins à mes questions anodines que des « Oui, Monsieur » ou des « Non, Monsieur », tandis qu’elles coulaient furtivement vers leurs mères des regards apeurés. Après le potage, les coquilles de homard, les canetons aux olives, les selles d’agneau et les glaces à la framboise, mon soulagement fut grand de voir arriver le dessert ! Notez que, dans quelque temps, les jeunes filles seront mieux à même de converser dans les dîners, car M. Duruy a décidé d’instituer à la Sorbonne un cours pour les demoiselles de seize à vingt ans.

A l’Opéra, on continue à donner Le Corsaire avec grand succès. Tout Paris, comme moi-même, n’est qu’éloges sur la grâce et le talent de Melle Grantzow. Pour ma part, je déplore seulement que nos danseuses remarquables dussent toujours nous venir d’un autre pays, le plus souvent l'Italie, ou cette fois-ci d’Allemagne. Par quel mystère, toutes ces études, toutes ces classes fréquentées par les jeunes « rats » ne nous fournissent qu’en sujets habiles mais si rarement en étoiles ? Faut-il pour briller jusqu’au firmament qu’un nom soit étranger ?

A défaut de ballet nouveau que j’aurais à vous conter, je vais vous céder la plume afin que vous m’évoquiez les souvenirs de vos spectacles à l’Opéra. Je serais en particulier curieux de connaître vos impressions lors de votre tout premier ballet et de savoir si votre engouement pour cette délicate forme d’art fut immédiat.

Adieu, mon cher père, et croyez-moi toujours votre fils dévoué.

Charles de Vaudreuil

A suivre...

 

Notes 

Gautier Théophile (1811-1872) : poète, romancier et critique d’art français, en particulier critique de ballet. Auteur de livrets de ballets, dont Giselle.

Grantzow Adèle (1845-1877) : danseuse allemande, partiellement formée par Mme Dominique à Paris. Elle dansa à l'Opéra de Paris de 1866 à 1868.

Levasseur Auguste, dit Auguste : chef de claque à l’Opéra vers 1830-1840.

Duruy Victor (1811-1894) : homme politique et historien français, ministre de l’Instruction publique de 1863 à 1869. 

Le Corsaire : ballet en 3 actes et 5 tableaux avec une épilogue apothéose, livret de Jules-Henri Vernoy de Saint-Georges d’après Lord Byron, musique d’ Adolphe Adam, chorégraphie de Joseph Mazilier, 1ère représentation à l’Opéra rue le Peletier le 23 janvier 1856. Dans le final, un navire faisant naufrage défraya la chronique.

 

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Le ballet de l'Opéra de Paris au 19ème siècle
  • En 1866 commence une correspondance imaginaire entre un fils et son père, ayant pour commune passion le ballet. Charles partage ses enthousiasmes de tout jeune abonné à l’Opéra de Paris avec son père Emilien.
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