Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Le ballet de l'Opéra de Paris au 19ème siècle
26 janvier 2019

Le libretto en sera emprunté à un conte d’Hoffmann

 

xErnst_Theodor_Amadeus_Hoffmann

Autoportrait d'Ernst Theodor Amadeus Hoffmann.

 

Charles de Vaudreuil à son père Emilien

Paris, le 11 juillet 1868

Mon bien cher Père,

J’avais entendu parler, en dehors de vous, de la cachucha de Fanny Elssler, mais jamais encore de sa cracovienne, que vous avez si bien ressuscitée pour moi. Je m’imagine tout à fait la charmante danseuse, crânement coiffée de son petit chapeau et claquant fièrement des talons ! Marie Taglioni dansait donc le même pas au même moment à Pétersbourg et y obtint un triomphe… Comme c’est curieux ! D’après ce que vous m’avez dit d’elle, la danse tacquetée n’était cependant pas la caractéristique de son talent.

De mon côté, j’ai le plaisir de vous annoncer enfin la création en cours d’un nouveau ballet. Songez donc que ce sera le premier depuis La Source en novembre 1866 ! La musique en est confiée cette fois en totalité à M. Delibes, ce qui est du meilleur augure. M. Charles Nuitter est de nouveau responsable du libretto, qui sera emprunté à un conte d’Hoffmann, l’Homme au sable ; mais je doute que ce titre soit conservé, il est plus usuel de donner aux ballets le nom de leur héroïne féminine… Saint-Léon réglera une fois encore la partie chorégraphique et Melle Grantzow, qui sera à Paris en septembre, tiendra le premier rôle. On dit aussi qu’un travesti très important est réservé à Melle Fiocre.

Voilà de belles promesses pour la rentrée, mais en attendant, ni nouveau, ni ancien, aucun ballet ne se donne ce mois-ci rue Le Peletier, ce sont toujours les mêmes sempiternelles alternances entre Herculanum, la Muette, la Juive, le Trouvère. Je me suis abstenu de m’y rendre, contrairement à mon cher Saint-André, qui ne manque pas une occasion d’aller admirer la jolie Fiocre costumée en abeille et entourée des bourdonnantes Fioretti, Mérante, Villiers, Parent et Baratte dans le divertissement de La Juive.

De mon côté, je suis allé assister à un concert dans les jardins de l’hôtel d’Osmont. Un orchestre de quatre-vingts musiciens et un chœur de trente voix ont interprété La Fille au cheveux d’or, ballet norvégien en trois actes du jeune comte d’Osmont. J’aurais préféré que le ballet fût aussi dansé, et je ne suis pas sûr que l’œuvre et son compositeur passent jamais à la postérité ; mais plusieurs morceaux furent cependant bissés. Quant à l’assistance, elle était des plus brillantes. On distinguait entre autres le prince de Metternich, le marquis de Praslins, le duc de Vallembrosa, le comte de Castelbajac, ainsi que MM. Auber et Perrin.

Comme vous me l’aviez demandé, je me suis occupé de trouver un présent pour le treizième anniversaire de Marie-Amélie. J’ai choisi pour elle un délicieux collier en or avec pendants et orné de petites boules de lapis. Son premier bijou de jeune fille !

Cette lettre sera sans doute ma dernière avant les vacances, puisque je devrais arriver auprès de vous à la Boissière dans environ dix jours. Je me réjouis à l’idée d’y passer de longues semaines en votre compagnie et vous souhaite la meilleure santé possible.

 

Votre fils respectueux.

Charles de Vaudreuil

 

Notes :

Baratte Melle : danseuse à l’Opéra de Paris dans la seconde moitié du 19ème siècle.

Delibes Léo (1836-1891) : compositeur français, auteur notamment de la musique des ballets Coppélia et Sylvia.

Fiocre Eugénie (1845-1908) :danseuse française de l’Opéra de Paris, réputée pour sa beauté. Elle interpréta souvent des rôles masculins, en travesti, comme il était de coutume à l’époque.

Fioretti Angelina (1846-1879) : danseuse italienne. Elle dansa à l’Opéra de Paris de 1863 à 1870.

Grantzow Adèle (1845-1877) : danseuse allemande, partiellement formée par Mme Dominique à Paris. Elle dansa à l'Opéra de Paris de 1866 à 1868.

Mérante Annette (ou Anna) : danseuse à l’Opéra de1866 à 1877, fille de danseur et nièce du danseur et chorégraphe Louis Mérante.

Nuitter Charles (1828-1899) : dramaturge et librettiste français, archiviste à l’Opéra de Paris. Auteur des livrets de La Source et de Coppélia.

Parent Melle : danseuse à l’Opéra de Paris au 19ème siècle.

Perrin Émile (1814-1885) : peintre, critique d’art et décorateur français, successivement directeur de l’Opéra-Comique (1848-1857, puis en 1862), directeur puis administrateur-entrepreneur de l’Opéra (1862-1871) et administrateur général de la comédie Française (1871-1885).

Saint-Léon Arthur (1821-1870) : danseur et chorégraphe français, auteur en particulier de La Source et de Coppélia.

Villiers Adèle : danseuse à l'Opéra de Paris de 1853 à 1870.

 

La Source : ballet en trois actes et quatre tableaux, livret de Charles Nuitter et Arthur Saint-Léon, musique de Léo Delibes (acte 1 et 3) et Léon Minkus (acte 2), chorégraphie d’Arthur Saint-Léon, décors d’Edouard Despléchin, Jean-Baptiste Lavastre, Auguste Alfred Rubé et Philippe Chaperon, costumes de Paul Lormier et Alfred Albert. Créé par Guglielmina Salvioni et Louis Mérante le 12 novembre 1866.

 

 

 

 

Publicité
Publicité
Commentaires
Le ballet de l'Opéra de Paris au 19ème siècle
  • En 1866 commence une correspondance imaginaire entre un fils et son père, ayant pour commune passion le ballet. Charles partage ses enthousiasmes de tout jeune abonné à l’Opéra de Paris avec son père Emilien.
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Newsletter
Archives
Pages
Derniers commentaires
Visiteurs
Depuis la création 17 463
Publicité