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Le ballet de l'Opéra de Paris au 19ème siècle
4 février 2017

L’Examen de la Danse à l’Opéra

Edgar_Degas_Attente

Attente, par Edgar Degas (1880-1882), pastel sur papier, musée d’Orsay

 

Charles de Vaudreuil à son père Emilien

Paris, le 10 mai 1868

 

Mon bien cher Père,

C’est encore une fois avec beaucoup d’attention, d’intérêt et de plaisir que j’ai lu votre dernière lettre, dans laquelle vous me relatiez les adieux à Paris de la grande Taglioni. Vous m’y parliez d’un complot ourdi contre M. Duponchel par la loge infernale. J'’ai certes entendu quelques échos au sujet de cette baignoire occupée par une poignée d’habitués prompts au chahut, mais je ne sais rien de plus ; si vous aviez à ce propos quelques souvenirs qu’il vous plairait d’évoquer, j’en serais enchanté.

De mon côté, je n’ai rien de bien neuf à vous écrire, si ce n’est que L’Examen de la Danse a lieu en ce moment-même à l’Opéra. Marie Taglioni, l'ancienne  Divine dont vous savez si bien faire revivre la gloire passée, fait partie du jury, comme chaque année depuis qu’elle est Inspectrice de la Danse et enseigne dans la classe de perfectionnement. Je vous confesse que j’aurais volontiers tenté de me faufiler dans la salle pour observer cet examen, mais ce fut malheureusement tout-à-fait impossible. J'en suis réduit à imaginer les candidates tremblant de tous leurs membres tandis que résonnent les premières notes du violon de M. Deldevez, et le jury groupé, la mine sévère, autour de Marie Taglioni :  les deux autres professeurs des classes de danse - Mme Dominique et M. Mathieu -, les chorégraphes MM. Saint-Léon, Mazilier et Coralli, et bien entendu le maître de ballet M. Petipa et le directeur M. Perrin.

Ce soir, nous connaîtrons donc les noms des heureuses élues, admises à passer du corps de ballet au grade de deuxième coryphée, ou de celui-ci à première coryphée. Ainsi que vous pouvez l’imaginer, la cérémonie enfièvre les dilettanti de la danse, chacun y allant de ses pronostics. Parmi les favorites figurent Melles Pallier, Valette, Leroy, Gaughain, Bussy, Lanson, Vitcoq, Bourgois et de Frise. Mon cher ami Saint-André, ne jure que par le joli minois de Melle Valette et les mollets bien tournés de Melle Lanson ; moi-même, je mise sur Melles Pallier et Vitcoq, qui me semblent les plus méritantes pour espérer obtenir une promotion.

J’allais oublier de vous parler d’un spectacle étonnant auquel j’ai assisté l’autre jour dans la cour des Tuileries. L’Empereur et l’Impératrice y firent une courte apparition afin de recevoir un cadeau insolite : rien moins que deux tigres du Bengale, offerts à Leurs Majestés par un riche propriétaire de l’Inde française qui les avait chassés sur ses terres ! Il se murmurait que l’Impératrice, obligée de faire bonne figure mais point trop ravie de ce présent, avait hâte que ces deux fauves d'une assez jolie taille soient conduits dans leur solide demeure du jardin des Plantes…

J’espère vous avoir diverti pendant quelques instants et vous dis adieu mon cher Père. Si vous en avez le temps, continuez à m’écrire vos souvenirs d'Opéra, qui sont pour moi riches d'enseignement.

Votre fils attentionné.

 

Charles de Vaudreuil

 

Notes :

Bourgois Melle : danseuse à l’Opéra de Paris dans la seconde moitié du 19ème siècle.

Bussy Marie : danseuse à l’Opéra de Paris dans la seconde moitié du 19ème siècle.

Coralli Eugène (1834-1870) : danseur à l’Opéra de Paris, fils du grand chorégraphe et danseur Jean Coralli

Deldevez Edme-Marie-Ernest (1817-1897) : violoniste, compositeur et chef d’orchestre français. Il dirigea notamment l'orchestre de l’Opéra de Paris. En 1868, il était sous-chef d’orchestre pour la danse.

Dominique Mme, née Lasciat (née en 1820) : d’abord danseuse à l’Opéra, elle y devint de 1853 à 1879 un professeur très renommé. Epouse du musicien Dominique Venetozza, elle adopta en tant que professeur le prénom de son mari.

Duponchel Henri (1794-1868) : architecte, scénographe et metteur en scène français, directeur ou co-directeur de  l’Opéra de Paris de 1835 à 1848.

Frise (de) Melle : danseuse à l’Opéra de Paris dans la seconde moitié du 19ème siècle.

Gaughain Marie : danseuse à l’Opéra de Paris dans la seconde moitié du 19ème siècle.

Lanson Fanny : danseuse à l’Opéra de Paris dans la seconde moitié du 19ème siècle.

Leroy Louise : danseuse à l’Opéra de Paris dans la seconde moitié du 19ème siècle.

Mazilier Joseph (1797-1868) : danseur et chorégraphe français. Maître de ballet à l’Opéra de Paris de 1852 à 1857.

Pallier Marie : danseuse à l’Opéra de Paris dans la seconde moitié du 19ème siècle. Elle avait une seur dansant à la même époque à l'Opéra.

Perrin Émile (1814-1885) : peintre, critique d’art et décorateur français, successivement directeur de l’Opéra-Comique (1848-1857, puis en 1862), directeur puis administrateur-entrepreneur de l’Opéra (1862-1871) et administrateur général de la comédie Française (1871-1885).

Petipa Lucien (1815-1898) : danseur et chorégraphe français. Fils du maître de ballet Jean-Antoine Petipa et frère aîné de Marius Petipa, il est danseur puis chorégraphe à l’Opéra de Paris à partir de 1839 et exerce les fonctions de maître de ballet de 1860 à 1868. L'Opéra fait encore appel à lui en 1882 pour créer Namouna.

Saint-Léon Arthur (1821-1870) : danseur et chorégraphe français, auteur en particulier de La Source et de Coppélia.

Taglioni Marie (1804-1884) : danseuse italienne née à Stockholm, fille de Filippo Taglioni. Danseuse à l’Opéra de Paris de 1827 à 1837, elle y remporta un triomphe sans égal dans La Sylphide (1832). Elle est considérée comme la première et l’une des plus grandes ballerines romantiques.

Valette Clothilde : danseuse à l’Opéra de Paris dans la seconde moitié du 19ème siècle.

Vitcoq Melle : danseuse à l’Opéra de Paris dans la seconde moitié du 19ème siècle.

 

 

 

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Le ballet de l'Opéra de Paris au 19ème siècle
  • En 1866 commence une correspondance imaginaire entre un fils et son père, ayant pour commune passion le ballet. Charles partage ses enthousiasmes de tout jeune abonné à l’Opéra de Paris avec son père Emilien.
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